Année indéterminée

Ce jour-là, j'ai bien cru que j'allais y rester. C'était il y a de nombreuses années, alors que j'étais un jeune soldat naïf et plein de bonne volonté au service du roi. Nous avions été menés à une grande bataille, pour notre plus grande gloire disaient les généraux. 
Eux restaient à l'arrière, au chaud dans leurs tentes et nous, les moins que rien avions froid. Mais je ne m'en rendais pas encore compte à l'époque, au contraire, j'étais même content d'être là et de participer à la guerre. Quelle naïveté.

Nous nous sommes levés à l'aube, les yeux encore collants nous nous dirigions vers le champ de bataille. Les tambours et cors de guerres résonnaient dans toute la vallée. Un si bel endroit, les rayons du soleil transperçaient la brume matinale.
L'offensive fut redoutable. Les fantassins chargèrent, les mages de guerres déchaînaient leurs sorts de destruction. A partir de ce moment, tout devint assez flou dans mon esprit.

Nous étions tous en train de danser avec la mort, tranchant tout ce qui passait à notre portée. Je ne sais plus exactement ce qui m'a touché, mais je me souviens parfaitement de la douleur. Et de la peur.
Après ce qui m'a semblé comme des heures d'agonie, j'étais encore en vie. Cette belle clairière était devenue un charnier où gisaient les corps de mes amis et de mes ennemis, sans aucune distinction. Malgré la fièvre je retenais les dernières parcelles de vie de mon corps. Ma position faisait en sorte que mon sang et mes organes ne se déversent pas en dehors de mon ventre, mais à ce moment-là je ne pensais qu'à une chose, partir. Fuir loin d'ici. Toutes les promesses de gloire étaient bien vaines. Comment pouvions-nous en profiter une fois morts ?

C'est à ce moment-là que je l'ai vu. J'ai bien cru que mon heure était arrivée, qu'elle venait me chercher. La déesse du Cycle, maîtresse de la vie et de la mort. Elle était si belle que les rayons du soleil semblaient fades à côté d'elle. La lumière de sa longue chevelure, nimbée d'énergie divine réchauffait mon cœur froid.
"Ne t'inquiète pas, je suis là"
Elle posa alors une de ses mains au niveau de mes plaies et la chaleur devint alors encore plus palpable. Je sentais ma chair se ressouder, mes os se reformer. Malgré la beauté de la déesse, je ne pu m'empêcher de pousser un cri de douleur. Elle passa alors délicatement la main devant mes yeux et le sommeil me gagna. Un sommeil profond comme je n'en avais pas eu depuis bien longtemps.

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Après un long sommeil, dont on m'a ensuite informé qu'il avait duré près d'une semaine, je me réveillais dans une chambre. Encore douloureux, je portai la main au niveau de mon ventre, par réflexe. J'étais entouré de bandages, mais je sentais que ma blessure était presque guérie. Me renfonçant dans mon lit, j’observai alors la pièce.
Je pu y reconnaître des effigies religieuses en l'honneur du dieu de l'Ambre, gardien des médecins et représentant de cette fabuleuse pierre magique, l'ambre, qui peut soigner les blessures. Mais je savais que malgré l'efficacité de cette pierre, elle ne faisait pas de miracles et mes blessures étaient bien trop grandes pour être soignés en si peu de temps.
Mes souvenirs revinrent alors. La déesse du Cycle m'avait sauvé. Mais pourquoi ? Les histoires n'ont jamais parlé de ce genre de choses. Alors que je me questionnais sur mes maigres connaissances de l'époque, je la vis à nouveau.

Ce n'était pas une déesse, mais la grande prêtresse du Temple de l'Ambre. Sa beauté et sa puissance magique irradiait néanmoins la pièce. Je ne sais plus exactement ce que je lui ai dit à l'époque, mais cela ne devait pas être bien intelligent. Son sourire est en revanche resté gravé dans ma mémoire. Elle n'était pas la déesse du Cycle, mais pour moi elle était bien plus. Elle avait soigné de nombreux soldats, peu importe leurs camps.
Dans les jours qui suivirent, je pu en apprendre plus sur elle. Alessia, élue du dieu de l'Ambre. Elle possédait des pouvoirs bien plus grand que les plus fidèles membres du temple, elle était même l'une des très rares membres de l'Église à posséder ce statut d'élu divin. Mais plus j'essayais d'en apprendre sur elle, plus elle devenait un mystère. Personne ne savait exactement d'où elle venait, ni même depuis combien de temps elle s'occupait du temple. Je pu apprendre par la suite que même au sein des hautes instances de l'Église son cas était unique.

En l’observant travailler, je pouvais voir qu’elle s’occupait des autres comme avec moi. Elle faisait en sorte que chacun se sente aimé, en paix et serein. Chacune de ses paroles sonnaient comme une symphonie.
Vous pourriez dire que je suis tombé amoureux lors de mon séjour et ce ne serait pas entièrement faux, mais je pense que ce que je ressens pour elle est encore plus profond que de l’amour, c’est de la dévotion.

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Cette rencontre fatidique me marqua dans ma chair et au plus profond de mon âme. Une fois soigné et en état de partir du temple, je ne pouvais rentrer chez moi. De toute manière, je n'avais plus personne. 
Je décidais alors de m’installer dans le charmant village d’Ambroise qui abritait le temple. Ainsi, je pouvais fréquemment revoir Alessia. Je me suis fait des amis, fondé une famille. Dès que je le pouvais, j’aidais le temple comme ils m’avaient aidé. Je n’avais pas de talents magiques, je n’étais pas très intelligent, mais je faisais tout mon possible pour me rendre utile.  Fréquemment, je pars en pèlerinage vers d’autres temples et comme avec vous je leur parle d’elle et des merveilles du dieu de l’Ambre. Pour avoir choisi une élue aussi parfaite, il ne peut qu’être le plus grand de tous les dieux. 

Grande-Prêtresse Alessia