Chapitre 11

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Dans le salon du domaine de Brenna, el et Kalfah patientaient, assis sous un dais. Autour d'el, un jardin yesodien simulé par un degré léger d'oniromancie. Un rêve éveillé, une suggestion à l'inconscient que les deux Fitzarch laissaient se développer en une illusion agréable. Sous une brise parfumée de lavande, une herbe mauve ondoyait, parsemée de mille fleurs multicolores. Le ciel était à peine suggéré. Kalfah préférait admirer le plafond du salon, délicatement peint de portraits élohiens un peu kitchs mais intéressants. Tant de figures légendaires étaient représentées là... Nombre d'entre elles étaient mortes durant la Seconde Brisure, et le reste venait de quitter le conseil de guerre pour rentrer dans leurs appartements ou leurs chambres d'hôtel. Brenna el-même avait retrouvé Kalfah il y a peu. L'écho du marasme résonnait dans son regard perdu, hanté. 

— HodArch, soupira Kalfah. 

— Mmh, mmh, avait distraitement murmuré Brenna. 

— Pourquoi quitter une si belle chorale pour venir ici ? 

Brenna soupira à son tour, le regard détourné sur une fleur anodine :

— Quel Fitzarch ne voudrait pas servir sous les ordres directs de notre cher Padmilia ? 

— Quel est votre rôle auprès d'el déjà ?

— Je suis son conseiller en stratégie militaire.

—Naturellement, dit Kalfah. Pourtant vous gérez cet hôtel ?

— Cet "hôtel" ? Non ! Cet ensemble de nids fait partie du domaine de Padmilia, expliqua sèchement Brenna. El ne fait que le prêter à ses courtiers et ses visiteurs. J'habite ici, c'est tout.

— Vous gérez la conciergerie ? 

— Non ! s'agaça Brenna.

— Pourtant Michaël y travaille. Et votre domination vient le frapper lorsqu'el dort dans le back-office !

Installé sur le côté, Siriniel lança un regard meurtrier à Kalfah. 

— Michaël est assigné à la conciergerie car el ne mérite pas d'intégrer mieux que ça, asséna-t-el.

— Oh, si vous le dites, soupira Kalfah. Moi je voulais en faire un secrétaire pédagogique mais el n'a pas aimé. El s'est barré !

— Michaël restera à mes côtés, affirma Brenna.

— Oh certainement. Votre ancienne chorale, HodArch, est connue dans les Cieux tout entiers, remarqua Kalfah, qui appuyait son regard sur son frère malgré sa volonté manifeste de distance. Et vous par la même occasion. Pourquoi donc, j'y reviens, venir ici ?

— Padmilia a requis mon expertise, dit Brenna. Par ailleurs, je n'ai pas quitté ma chorale...

— Vous avez quitté Hod, c'est tout comme. Vous avez quitté la Gloire elle-même.

Brenna regarda enfin Kalfah, ses yeux emplis d'agacement. 

— Le devoir appelle parfois à "pauser" la Gloire pour le bien commun.

— Vous êtes parti bien avant que la nouvelle titanomachie n'appelle au devoir. Il y a cinq ans déjà que vous êtes ici. Étonnamment, vous êtes parti au même moment que Michaël...

— Il suffit. 

La voix de Siriniel écrasa l'esprit de Kalfah quelques secondes. Le Fitzarch battit des paupières, secoua la tête.

— Vous devriez tenir votre créature, gronda Kalfah. 

Siriniel sourit, content d'avoir soumis ne seraient-ce quelques secondes un fils du Grand Architecte. 

— Vous devriez tenir votre langue, répliqua-t-el. 

— Croyez-vous que je vous pose ces questions indiscrètes juste pour vous taquiner ? s'indigna Kalfah. Il faut simplement que j'en sache plus pour aider Michaël. Comprendre pourquoi cet enfant est attaqué ainsi par un des nôtres probablement ! Est-ce el qu'on vise ? Ou vous ? Ou Padmilia ?

— Nous le saurons bientôt, affirma Brenna.

— Votre plan est hasardeux, accusa Kalfah.

— Suffisamment hasardeux pour que moi-même je ne puisse le lire entre les étoiles, remarqua Siriniel.

— Non, vous êtes juste stup...

— Silence ! ordonna Brenna. N'insultez pas ma domination. El me sert avec loyauté malgré ce qu'el a enduré.

Kalfah réprima une réplique épicée. El observa la domination Siriniel, le regard piquant de malice mais aussi de pitié. La pauvre créature parvenait difficilement à masquer son mal-être sous son expression de porcelaine. Kalfah n'eut pas à faire d'efforts. Ses instincts de vertu, maitre d'école, psychologue ad hoc, lui firent voir les failles dans le langage corporel pourtant soigné de Siriniel. Le regard vert de la domination était chétif, sa figure rabougrie. Les ridules prématurées qui parsemaient son visage étaient la conséquence d'une expérience traumatique. Un deuil, avait cru comprendre Kalfah. La mort d'un frère aîné causé par Michaël en personne. C'est ce que les murmures de l'entourage de Brenna avaient porté à sa connaissance. Siriniel avait été laissé de côté dans le plan de Brenna pour sauver Michaël. Trop de bagages. Trop de risques. Kalfah avait soupçonné d'être derrière la torture onirique du jeune Fitzarch, bien qu'el n'en eût aucunement les moyens. El pouvait être complice, un complice parfait s'el n'avait été pas si évident. 

Kalfah avait ainsi lu tout cela dans la situation, mais son intérêt n'était pas pour les drames de ces élohim. Cette mésaventure n'était en réalité qu'une faille. Un élément exploitable pour Aradim, utilisable bientôt sans doute. Mais Siriniel capta le regard inquisiteur de Kalfah, devinant ses intentions. La domination était arrivée à la cour de Tiphéreth avec son maître il n'y avait que cinq ans, mais el savait que la compétition entre les anges était sans scrupules, suintant dans toutes les cordiales collaborations. Ces hodiens servaient à présent Padmilia, le vainqueur de Laniakea, le maître de la Guilde des Architectes. Un maître rivalisé. 

— À présent que tu sais tout Siriniel, dis-moi comment les choses se passent selon tes divinations.

— Mal. Je ne vois aucun chemin qui ne se conclue en une collaboration cordiale entre Michaël et Idiel. Le premier a trop de secrets, le second, trop de jus de grenade dans le sang. Votre approche est très risquée. Je comprends votre besoin de confidentialité mais vous auriez dû me prévenir. J'aurais pu préparer Michaël à cette confrontation. 

— Seul Idiel peut nous aider. El s'est pris d'affection pour Michaël. L'occasion était trop belle d'utiliser ses dons.

— Brenna, coupa Siriniel. Suffisamment de temps est passé. Allons les chercher avant que les choses ne dégénèrent.



Les puissances de Padmilia, dans leurs beaux uniformes mauves, firent entrer tout le monde dans le salon. Encore sonnés, Michaël et Negara furent agenouillés sur des coussins de soie violette. Devant els, Brenna et Kalfah s'assirent sous un dais, dans des fauteuils hodiens fastueux. Siriniel resta sur le côté, attentif. Brenna congédia les gardes et le jardin réapparut.

— Où suis-je ? demanda Michaël, les larmes aux yeux.

— Chez moi, répondit Brenna. Nous sommes plongés dans un rêve léger. Cela nous protège de potentielles attaques oniriques.

Confus, tremblant, circonspect, Michaël regarda autour d'el sans rien voir. Kalfah donna la parole à Negara, qui raconta tout ce qu'il venait de se passer chez Idiel. El mentionna l'intérêt étrange d'Idiel pour Sicad, ainsi que pour un objet nommé "akshoka" que Michaël avait en sa possession. Brenna se leva, descendit devant Michaël et tendit la main. 

— Michaël, tu ne nous as pas parlé de ce cristal. Pourquoi ?

Michaël ne répondit pas. 

— Pourquoi penses-tu que quelqu'un t'envoie ces cauchemars au travers ? demanda Kalfah.

Toujours rien.

— Si tu n'es pas sincère avec nous nous ne pourrons pas t'aider, ajouta la vertu. 

— Donne-moi cet objet Michaël, ordonna Brenna. 

— Donne-lui, dit alors Siriniel, dominant l'esprit de Michaël quelques secondes, suffisamment longtemps pour lui faire tendre l'akshoka à son aîné. 

Brenna saisit l'objet et l'étudia du regard, confus. 

— Qu'est-ce qu'un akshoka ? demanda Kalfah.

— Un… un noyau azohien, répondit Brenna. 

— Un artéfact rare, dit alors Siriniel. Il est interdit d’en posséder normalement… Mais Padmilia en a quelques-uns dans sa collection. 

— Idiel semblait savoir quelque chose à son sujet, dit Negara. Mais je n'ai pas compris ce qu'el a dit. El a parlé de reflet, des oracles guerriers, de chenapans...

— C’est à présent un puissant catalyseur thaumaturgique, conclut Brenna. Comment l'as-tu obtenu Michaël ? demanda-t-el une nouvelle fois, d'un ton ferme. 

— C'est en rapport avec l'hérésie dont tu as parlé n'est-ce pas ? dit soudain Negara.

Michaël ferma les yeux, baissa la tête. Le jeune Fitzarch luttait. Son esprit quittait peu à peu son corps, tournoyant autour de l'akshoka. La jeune vertu, capturée, avait perdu ses mots. El vit la petite boule de cristal dans la main pâle de son grand frère devenir le centre de son monde. 

— Tu as récupéré cet objet sur Sicad, comprit alors Siriniel. Tu veux le confier au grand Architecte car tu ne fais confiance à personne d'autre...

— Explique-toi Michaël ! s'énerva Brenna. Qui t'a donné ce fichu akshoka ! Comment sais-tu que...

— Je n'ai rien à ajouter, coupa le jeune Fitzarch, la voix torturée, les yeux rivés sur l'objet dans une expression obsessive. 

Pourtant, l'éclat dans ses yeux était en train de se dissiper. Brenna ne le vit pas, ni les autres. Ne voyaient els pas ?!

— Mais cet akshoka “contient quelqu’un”, se souvint alors Negara. C'est ce qu'Idiel a dit. El avait la bouche pleine, donc j'ai eu du mal à comprendre mais je crois que c'est bel et bien ce qu'el a dit. 

Un silence étonné s’installa. Brenna ne dit rien, la mine soudain perdue face à cet objet étrange. Ça y est, el aussi était entré en orbite. Ses barrières oniriques s'étaient dissipées sans même qu'el ne s'en aperçoive. Son esprit tournoyait à son tour autour de l'astre occulté ! Michaël pouvait voir son éclat quelques parsecs derrière el. Ou plutôt, el sentait sa lumière tirer sur son propre halo. Brenna luttait el aussi. Si rien n'arrêtait l'attraction de l'akshoka, bientôt, el serait absorbé. Il fallait avertir les autres ! Appeler à l'aide ! Michaël réunit ses dernières forces conscientes. 

Brenna sourit, mais ses yeux restèrent emplis d'inquiétude. El enfonça son ongle dans l'akshoka, qui soudain, craqua comme un œuf. Michaël poussa un cri de surprise et de panique. La coquille argentée de l'objet s'émietta au sol alors que Brenna en extrayait un noyau noir. El se retourna alors vers Kalfah et le lui montra. 

— Une pierre d'âme ! s'exclama la vertu. Tout s'éclaire ! 

— NON ! hurla Michaël, mais personne ne sembla l'entendre.

Brenna souriait alors que son halo tombait ! El s'exclama :

— Par EL Michaël ! Si tu m'avais montré cette chose dès le début le mystère aurait été résolu depuis longtemps ! Cet akshoka contient en effet “quelqu’un”, comme une azoha contient une âme élohienne à naitre…

— Un enfant ? demanda Kalfah. 

— Non… Là ce n’est pas un enfant…

Un craquement résonna soudain, faisant vibrer l'univers. L'écho de l'œuf brisé, reconnut Michaël. Un bras fin et pâle surgit de la pierre d'âme, puis un autre, puis un autre encore. Leurs mains longues et fines tentèrent d'attraper Michaël. La vertu cria, appela à l'aide, mais les autres ne l'entendirent pas. Els continuèrent leur discussion comme si de rien n'était. 

— Quelqu'un est coincé à l'intérieur de cette pierre ! comprit Negara. 

— Quelqu'un qui a vécu la débâcle de Sicad et dont l'âme a été capturée par le command'aile Miel, comprit Brenna.

Un bras saisit la jambe gauche de Michaël.

— Quelqu'un dont l'âme endommagée veut sortir mais qui ne peut communiquer autrement que par des sursauts oniriques, ajouta Kalfah.

Puis sa jambe droite. Michaël se retourna, prêt à s'envoler.

— Des appels à l'aide, des images de détresse si puissants que le voile onirique de Michaël est réduit en lambeaux, dit Siriniel. 

Mais le troisième bras saisit son épaule.

— C'est impossible ! s'exclama Kalfah. L'éloha serait resté là piégé tout ce temps mais... Michaël utilisait le jus de grenade pour se transformer. Et si... 

Et un quatrième surgit pour agripper la base de ses ailes. 

— C'est possible, affirma Brenna. Le jus l'aura alimenté, puis réveillé. Tant de puissance thaumaturgique ainsi ingurgitée dans ce cristal ! Mais je ne vois qu'un éloha de Sicad suffisamment puissant pour survivre là-dedans pendant cinq ans... Miel el-même.

— L'ange Miel ? Le command'aile ?

— On doit le sortir de là !



Sortez-moi de là ! 

Sortez-moi de là !

Sortez-moi de là ! 

Sortez-moi de là !

L'univers tournait encore autour de Michaël, le vertige, paralysant. La jeune vertu tenta de se rattraper sur ses mains, ses jambes, mais alors qu'el se penchait, rien ne se passait. Ou plutôt, tout tournait dans le noir, rendant impossible de s'orienter. Avec la confusion et l'obscurité, vint la panique et un murmure assourdissant. 

Sortez-moi de là ! 

Sortez-moi de là !

Sortez-moi de là ! 

Sortez-moi de là !

Michaël appela Brenna et Kalfah, sans s'entendre. Ses pensées hurlaient sans être projetées par sa voix. C'était un peu comme dans le réseau EL où les élohim utilisaient la télépathie pour communiquer, tout en pouvant, en parallèle, converser dans le monde physique. Mais ici, dans le noir, Michaël n'avait plus ce choix. Une réalisation le frappa alors. Sa bouche n'était plus là, disparue, inaccessible. Tout comme le reste de son corps. C'est pourquoi son esprit tournoyait sans pouvoir se rattraper. Comme dans le réseau donc, mais tout était si noir. Michaël avait-el été désincarné ? Était-el mort ? Sans corps auquel se rattacher, son âme allait bientôt se dissoudre dans le vide. Une vertu l'avait-el rattrapé ? Était-el au Berceau ? Michaël chercha frénétiquement un signe de la vérité. Mais il n'y avait rien. Rien que l'obscurité. 

Sortez-moi de là ! 

Sortez-moi de là !

Sortez-moi de là ! 

Sortez-moi de là !

Michaël se raisonna. Si el était mort, sa conscience se serait évaporée. Mais el pensait encore, ressentait encore. Son esprit pulsait à toute vitesse. El était dans le réseau, dans le noir, quelque part. Si seulement el pouvait voir. Tout cela n'était qu'un rêve sûrement. Un autre piège de l'oniromancie. Un autre cauchemar ? Brenna, Kalfah, Negara et Siriniel devaient être non loin. Michaël se remémora ses derniers instants oniriques. El se souvint alors des mains qui l'avaient entraîné vers... un abysse ?

Sortez-moi de là ! 

Sortez-moi de là !

Sortez-moi de là !

Sortez-moi de là !

Michaël tenta de calmer ses pensées paniquées. El cherchait un silence psychique, dans lequel peut-être el finirait par percevoir quelque chose d'autre que sa propre détresse. Mais el ne parvint pas à faire cesser ces appels à l'aide. Tais-toi ! s'ordonna-t-el. Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! 

 

Sortez-moi de là !

 

Sortez-moi de là !

Michaël garda son esprit le plus calme possible, dans une sorte de passivité volontaire, urgente. Les appels, à la fois murmures et cris, continuaient. Michaël ne put analyser cette voix, désincarnée elle aussi, mais el finit par comprendre qu'il ne s'agissait pas de ses propres pensées. Quelqu'un d'autre appelait à l'aide ici. Quelqu'un d'autre était prisonnier de l'obscurité. 

Quelqu'un, quelqu'un... Miel ?

Michaël se souvint enfin de la pierre d'âme. Dans le chaos, les mots des autres avaient eu du mal à toucher son esprit, sa mémoire. Miel était prisonnier d'une pierre d'âme. Une prison. Voilà où Michaël se trouvait à présent el aussi, de toute évidence. Le jeune Fitzarch lutta pour ne pas paniquer de nouveau. Que faire ? Concentre-toi ! s'ordonna Michaël. Il me faut capter la vérité, la vérité. Mais la peur emportait son esprit dans une confusion dangereuse. Sans repères, la conscience de Michaël se fragilisait. 

Pour avancer, tu dois reculer, avait dit Aradim. Étonnamment à ce moment, les mots du grand archange revinrent à Michaël. Dans un effort pour se recomposer, le jeune Fitzarch s'accrocha à son passé, ses souvenirs, son identité.

Je suis Michaël Fitzarch, vertu militante d'Ennead, apprenti de l'archange Raphaël. Non... Je suis Michaël Fitzarch, vertu concierge du domaine de Padmilia. Non... Je suis Michaël Fitzarch, vertu errante qui veut se battre... Non...

Mensonges...

Mensonges ?

Cela fait longtemps que je suis auprès de toi. Je le sais.

Qui êtes-vous ? Miel ?

Michaël ressentit alors un amusement étrange, balayé par une détresse profonde et une colère immense. Ces émotions l'emportèrent dans une tempête. El ressentit alors autre chose, de la peur pure et simple. S'accrochant à sa lucidité, el sentit alors que certaines de ces émotions n'étaient pas les siennes. Miel ? Miel...

NON !

Un craquement apocalyptique retentit. Et soudain, la lumière fut.

— Michaël ! C'est moi Brenna ! Tu dois trouver Miel, ou ce qu'il en reste. Vite !

Michaël se retrouva flottant dans un univers lumineux, comme dans le réseau EL. Autour d'el, un environnement virtuel se construisit peu à peu.

— Tu es dans la pierre d'âme Michaël ! expliqua Brenna, sa voix descendant de nulle part et de partout à la fois. Je ne sais pas comment, tu as réussi à y rentrer ! Des chérubins sont en train de te coder une interface pour que tu puisses l'explorer. Réponds-nous !

Je t'entends, tenta de dire Michaël télépathiquement. 

Des échos de la voix de Brenna retentirent, sans que le jeune Fitzarch puisse les distinguer. Mais autour d'el, l'interface, l'environnement virtuel, finissait de se charger. El se retrouva dans un système de larges cavernes de pierre mauve, éclairé par d'immenses gemmes d'améthyste lumineuses incrustées dans la roche. Michaël retrouva son corps, virtuel lui aussi, mais pu avancer. El plana sur des courants froids qui circulaient dans les cavernes. Certaines étaient immenses, grandes comme le Cosmaréon, d'autres d'étroits couloirs aux plafonds bas. Mais au bout une lueur grandissait. Celle d'un halo, reconnut Michaël, à la couleur mauve comme celle des anges. Le jeune Fitzarch suivit la lumière courageusement, volant le plus vite possible. 

— Mich...ichaël ? appela Brenna au travers de l'espace-temps. Attention ! Ombrr... Corruption dém...

 Michaël regarda autour d'el, alerte. El se trouvait dans une cave large mais des ombres se glissaient sur la roche ! Elles le suivaient discrètement depuis sans doute longtemps. 

— Donnez-moi une arme ! réclama Michaël. Quelque chose !

— Pas...rme disp...!

— Je me suis jamais battu dans le réseau EL ! pesta Michaël. J'en ai entendu parler mais...

— Filet ! clama Brenna entre les interférences. Vertu militante !

Michaël étendit ses mains virtuelles et tissa un filet de lumière. El le jeta sur les ombres mais soudain, les mailles du filet rebondirent sur la roche virtuelle et se dupliquèrent à l'infini. Une toile dense se forma dans la caverne, emprisonnant Michaël à l'intérieur. La jeune vertu s'écria, incapable de dissoudre son filet devenu piège. Mais au moins, il semblait que les ombres ne pouvaient pas l'approcher. Michaël se concentra. El serra son poing virtuel et concentra son filet à l'intérieur. La lumière se condensa et dans une pression douloureuse, émergea de sa paume en une pointe ardente. Michaël souffla. Un, deux, trois. La lame de lumière trancha les fils mais... BOOM. Trop d'intensité lumineuse. Comme lors de la Première Brisure, cela mena à une explosion cataclysmique. Michaël fut projeté dans le vide. Tout disparu sauf la déflagration, qui illumina un univers vide. Mais au loin, Michaël vit une étoile filante tomber. 

Miel !

Michaël déploya ses ailes virtuelles pour tenter de s'approcher, sans succès. Une force massive l'attirait dans une direction. Le jeune Fitzarch se retourna et vit alors les sommets de grandes tours défiler. Le Palais d'Argent ? pensa-t-el reconnaitre. Des reflets de mercure l'aveuglèrent quelques instants et soudain, une nouvelle conflagration résonna. Un dôme de verre explosa. Malgré le choc, Michaël se releva immédiatement et se mit à courir dans un centre commercial noir de monde. Les élohim autour d'el tentèrent de l'attraper. Leurs corps étaient lumineux, mais leurs yeux étaient noirs. Michaël déploya son filet prudemment pour barrer la route à ses assaillants. El tissa sur ses maillons des thaumaturgies vibrantes pour secouer violemment ses proies. Car Michaël, porté par une assurance nouvelle, se transforma en chasseur. 

C'est pas la première fois que j'affronte des démons ! s'écria-t-el. J'en ai tué des bien pires que vous !

La foule des élohim grandit soudain. Les tours de mercure s'effondrèrent pour se refermer autour de Michaël. Un long tunnel de métal s'enroula autour d'el. Le jeune Fitzarch vola de toutes ses forces au-dessus d'une foule en panique. Les hurlements des élohim résonnaient alors que des chocs violents parcouraient l'univers. Une force nouvelle attira Michaël sur le côté. El reconnut l'attraction du Pilier du Jugement. 

Balance !

Michaël referma les poings pour forger dans ses paumes de nouvelles aiguilles de lumière. Les ombres surgirent de nulle part. Dans des revers puissants, Michaël planta ses armes de lumière dans leurs cous. Tant de puissance car Michaël le sentait, tout cela n'était qu'un rêve, son rêve. 

Miel ! appela-t-el. Montre-toi !

Une pulsation lumineuse noya soudain le tunnel. Un bout de sa paroi s'arracha. Les élohim furent aspirés dans le vide, Michaël aussi. El vit alors l'étoile mauve, éblouissante dans l'espace intercéleste. Mais elle filait vers une masse noire immense, le Pilier du Jugement, dont l'obscurité atroce occupait la moitié de l'univers. Michaël sentit alors une douleur atroce tirer sur son esprit. L'intensité du champ gravitationnel du pilier empêchait toute forme de matière ou de rayonnement de s'en échapper. Bientôt, il avalerait tout. Ce n'est qu'un rêve, se rappela Michaël. El vola de toutes ses forces vers le halo Miel. Derrière el, le pilier rugit. Non... Non... L'abominable Burrhus était de retour. Tout son être trembla. Une peur glaciale tenta de le paralyser. Je ne peux pas abandonner. Je dois venger Sicad. Je dois vaincre l'hérésie. Sinon cela ne finira jamais Poussé par la force de sa volonté, Michaël atteignit une puissance qu'el n'avait jamais connue. Alors que ses ailes se délitaient, el lutta, vola encore et encore malgré la douleur.

Envoyez-moi tous mes pires souvenirs, dit el aux démons qui hantaient cette pierre d'âme. Mon passé n'est pas un fardeau. El est ma raison d'être ! Mon carburant ! Il a construit la force que j'utiliserai contre vous ! Contre toute l'Aubastronomica !

Sortez-moi de là ! Sortez-moi de là !

Michaël fila à la vitesse de la lumière, sortant peu à peu de l'influence de l'abysse. Mais Miel tombait toujours. Au bord de l'horizon des évènements, son âme commençât à se décomposer. Michaël grimaça. El n'eut d'autre choix que de plonger à son tour. Autour d'el, le tissu de l'espace-temps grinça, craqua. Ce n'est qu'un rêve. Du bout des bras, Michaël intercepta l'étoile mauve. 

Miel ! Miel ? Je suis Michaël Fitzarch, témoin de la tragédie de Sicad... Je suis là pour te sortir de là...

Michaël percuta le sol dans un cri sourd. Alerte, el se redressa en un bon. Devant el, gisait le corps de... Miel ? Michaël observa les environs. El était de retour dans une caverne d'améthyste étroite, face à un cul-de-sac. Un éloha était étalé là, au sol, inconscient, caché sous ses trois paires d'ailes. Michaël souleva une de ses ailes et découvrit sa grande figure. Son long visage était d'un blanc absolu, mortel. Ses longs cheveux pourpres cascadaient autour d'el comme une mare de sang d'Adam rouge. Un halo mauve aveuglant, digne d'un roi, d'un archange, luisait au-dessus de sa tête. 

C'est impossible... Un archange ? Miel n'était pas un archange...

— Oh par EL. Pomiel ?!

Dans un craquement, le plafond de la caverne s'ouvrit et s'effrita comme la fine coquille d'un œuf. Un long bras descendit de la fissure. 

— Michaël ? C'est moi ! appela Brenna. Ramasse Pomiel et prend ma main !

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